TABLEAUX MODERNES, ECOLES BRETONNES
samedi 22 juillet 2017 à 14:30

Lot 135 Eric FORBES-ROBERTSON (1865-1935)

Eric FORBES-ROBERTSON (1865-1935) "Jeunes breton et bretonne" hst sbd datée 92 et située Pont-Aven 100x73 - Eric Forbes-Robertson « Jeunes Bretons de Pont-Aven, 1892

« Huile sur toile d’origine, H. 100 – L. 73. Signée, datée et localisée en bas à droite en rouge : ERIC FORBES-ROBERTSON / PONT AVEN 92. Collection particulière en Grande-Bretagne des années 1910 à la fin des années 1940. Collection particulière, en France depuis la fin des années 1940. Œuvre jamais exposée ni reproduite. Les peintures pontavéniennes d’Eric Forbes-Robertson (1863-1935) sont tellement rares qu’il convient de saluer l’apparition de cette toile, et d’autant plus qu’elle est inédite. Comme tant d’autres artistes anglo-saxons, cet anglais, fils d’un historien de l’art réputé, vient à Paris en 1885 pour parfaire son apprentissage à l’académie Julian, puis y revient en 1889. Tel la plupart de ses camarades, il se rend à Pont-Aven en août 1890 pour les vacances. Il y restera plus de quatre ans, n’entrecoupant son séjour que de rares déplacements. Il devient une figure marquante de la colonie artistique, comme en témoignent les portraits échangés avec Armand Seguin, Emile Bernard et Paul Gauguin, ainsi que les études de Julia Guillou. Le quatuor, composé de Seguin, Gauguin, O’Conor et Forbes-Robertson, se retrouve dans le portfolio de l’hôtel Gloanec (aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art à New York) qui porte ce texte écrit le 25 juin 1894: « Nous artistes peintres orgueilleusement de haute race dans le grand livre mystérieux de la nature, Paul Gauguin dit PGO, Eric Forbes Robertson dit le Celte, Roderic O'Conor, et Seguin le Jovial avons décidé de ce jour ce livre en terrain neutre de sympathie et d'art littéraire pictural et musical, recueillera les pensées dessins et signatures de tous ceux qui de bonne foi s'associeront à notre œuvre pour se retrouver un jour à la divine source de toute harmonie de conforme volonté avons déposé ce livre entre les mains de Marie Jeanne femme Gloanec, afin qu'il soit préservé de tout outrage En foi de quoi avons signé PGO Eric Forbes-Robertson Roderic O'Conor Armand Seguin. » Le peintre anglais fréquente aussi Maxime Maufra, Walter Hunt, Ernest Ponthier de Chamaillard, Gustave Loiseau, Emile Jourdan, ou Cuno Amiet. En 1892, date de cette peinture, il semble qu’il séjourne à la Pension Gloanec. Ses premières œuvres connues sont plutôt d’une conception traditionnelle. Une série de dessins (Londres, Victoria and Albert Museum) montre une évolution radicale vers le synthétisme au contact de ses camarades. Les quelques toiles qui nous parvenues révèlent l’intérêt du peintre pour la disposition de personnages, souvent des enfants, qu’il distribue avec soin dans l’espace d’une pièce (comme dans Enfants bretons, la bonne soupe, Pont-Aven du New Walk Museum and Art Gallery de Leicester ou dans Great Expectation du Museums and Art Gallery de Northampton). Il joue d’effets d’éclairage pour mettre en valeur ses figures. Une couleur neutre sert de toile de fond, où l’on distingue quelques zébrures légèrement obliques, discrets témoignages de l’influence d’O’Conor. Contrairement à la plupart des peintres qui utilisent les enfants de Pont-Aven comme modèles pour des scènes mièvres ou pittoresques, Forbes-Robertson donne à ce garçonnet et à cette fillette une grande force d’expression, par leurs attitudes et leurs regards. Il les met en valeur, leur conférant une présence et une dignité, à l’opposé des visions pittoresques ou misérabilistes, sans ignorer les détails comme les boutons de cuivre du gilet traditionnel, ou sans atténuer le rouge des visages. Le capot blanc de la fillette peut faire penser que la toile a été peinte à Biribi, la villa louée par Julia Guillou à Kerfany en Moëlan-sur-Mer pour ses clients. Les amis de Forbes-Robertson, Bevan et Donaldson, y ont longuement séjourné afin de fuir la promiscuité de Pont-Aven. Mais la toile a peut-être été aussi réalisée dans l’atelier du manoir de Lezaven où travaillaient certains de ses amis comme O’Conor. Forbes-Robertson n’a jamais copié servilement les leçons du synthétisme. Comme le montre cette œuvre, il a puisé dans ces principes novateurs des solutions plastiques originales pour mettre en valeur ses sujets. Gauguin appréciera cette indépendance lors de leurs relations de mai à novembre 1894. Forbes-Robertson poursuivra sa carrière à Paris jusqu’en 1900, fréquentant en particulier Oscar Wilde et Alfred Jarry, puis regagnera l’Angleterre. Son activité de peintre sera alors réduite et il deviendra acteur de cinéma à partir de 1914 sous le pseudonyme de « John Kelt », un souvenir de son surnom pontavénien. » André Cariou

Estimation : 20 000 € / 30 000 €