TABLEAUX MODERNES - ECOLES BRETONNES
samedi 9 décembre 2017 à 14:30

Lot 191 Emile BERNARD (1868-1941)

Emile BERNARD (1868-1941) "Trois Bretonnes en coiffe de veuve, 1888" toile 25x31

Bibliographie : Massimo Carrà, « Gauguin e il gruppo di Pont-Aven », L’Arte Moderna, Fabbri editori, 1967, n° 6, vol. 1, p. 218. Jean-Jacques Luthi, Emile Bernard catalogue raisonné, Paris, Side, 1982, n° 142, pp. 28-29. Jean-Jacques Luthi et Armand Israël, Emile Bernard, catalogue raisonné, Editions des catalogues raisonnés, 2014, n° 140 p. 160. André Cariou, Gauguin et l’école de Pont-Aven, Paris, Hazan, 2015, p. 67. Expositions : 1949-1950, Paris, Orangerie des Tuileries, Eugène Carrière et le symbolisme, n° 216 (Visages de femmes). 1962, Paris, galerie Mons, Le Groupe de Pont-Aven. 1963-1964, Mannheim, Städtische Kunsthalle, Die Nabis und irhe Freunde, n° 18. 1966, Londres, Tate Gallery, Gauguin and the Pont-Aven Group, n° 104. 1966, Zürich, Kunsthaus, Pont-Aven, Gauguin und sein Kreis in der Bretagne, n° 119. 1967, Brême, Kunsthalle, Emile Bernard, rétrospective. 1967, Saint-Germain-en-Laye, Chefs-d’œuvre des collections privées, n° 55. 1969, Turin, Galleria Civica d’Arte Moderna, Il sacro et il profano nell’arte dei simbolisti . 1995, Mexico, Palacio de Bellas Artes, Gauguin y la Escuela de Pont-Aven, n° 36. 2003, Pont-Aven, Musée de Pont-Aven, Kenavo Monsieur Gauguin, n° 6. 2003-2004, Valencia, Museo de Bellas Artes, Post-Impresionismo, Escuela de Pont-Aven Nabis (1886-1914), n° 3. 2016-2017, Rovigo, Palazzo Roverella, I Nabis, Gauguin e la pittura italiana d’avanguardia, n° 14. Provenance : Donné par Bernard à Charles Filiger lors de leur rencontre au Pouldu fin 1892. Collection Marie Henry à partir de 1893. Collection de sa fille Léa Cochennec. Vente Paris, Hôtel Drouot, 24 juin 1959, n° 56. Collection Dominique Denis, fils de Maurice Denis. Sa descendance. Les mots écrits par Paul Gauguin à propos d’Emile Bernard dans une lettre à Claude-Emile Schuffenecker le 14 août 1888, - « En voilà un qui ne redoute rien » -, semblent qualifier cette étude. « Le petit Bernard », comme l’appelle, vient d’arriver à Pont-Aven. Son aîné est à la fois surpris et curieux comme il le relate alors : « le petit Bernard est ici et a rapporté de St-Briac des choses intéressantes ». L’intérêt de Gauguin pour Bernard tient à son érudition, à sa connaissance des estampes japonaises, à sa relation avec le critique Gabriel Albert Aurier ou à ce qu’il peut rapporter sur Vincent Van Gogh. Mais Gauguin remarque aussi l’énergie de son cadet, - seulement vingt ans-, et sa hardiesse à briser les conventions. Déjà au printemps, dans une œuvre comme Le Bordel, le jeune peintre avait accentué la laideur outrancière des personnages, jouant d’effets d’éclairage et de la simplification extrême du dessin. Durant l’été à Pont-Aven, il réitère dans certains dessins et dans le bois gravé La Lessive sa façon audacieuse de représenter les visages, à la limite de la provocation. Dans cette étude, Bernard représente trois femmes de Pont-Aven en buste, sans doute au moment de la fête patronale de la paroisse Saint-Joseph le 16 septembre. Il s’agit de veuves comme on l’observe dans la disposition des ailes qui pendent sur les épaules au lieu d’être relevées de chaque côté et épinglées sur le dessus de la coiffe. On distingue à l’arrière un groupe de femmes aux coiffes et collerettes blanches et aux vêtements noirs. Il n’y a chez Bernard aucune volonté de caricaturer les Bretonnes qu’il côtoie. Mais il veut se placer aux antipodes de la vision pittoresque et anecdotique du monde paysan qui est celle de la peinture académique de cette époque. Eprouvant de l’intérêt pour ces rudes visages de paysannes et pour les effets qu’apportent les coiffes et collerettes en coton blanc, il joue du côté instinctif et violent de son geste créateur pour mieux exprimer la subjectivité de son regard. Dans le rendu des visages, il pousse les effets au maximum, d’une manière presque expressionniste, allant jusqu’à la déformation. Des cernes bleus, servant à séparer les plans, créent un réseau qui accentue la simplification des formes. Bernard poursuivra cette façon de faire l’année suivante dans la suite des zincographies et dans des œuvres religieuses comme l’Adoration des mages, puis il reviendra à des rendus des visages plus apaisés. Avant la pose d’une toile de rentoilage, on pouvait lire au dos l’inscription : Emile Bernard 1893 remis à Filiger lors d’un voyage à Pont-Aven. Lors de son séjour à Pont-Aven durant l’été 1892, Emile Bernard se rendra au Pouldu pour y passer quelques jours avec Filiger à la Buvette de la Plage. Les deux peintres ont échangé des œuvres, dont celle-ci, et ont fait leurs portraits (Filiger en parlera dans une lettre à Jules Bois à l’automne 1894 : « l’ "échange fraternel ou admiratif" selon les grands mots du peintre-voyageur E. Bernard »). Lorsqu’il quittera l’auberge à la mi-1893, Filiger laissera la toile à Marie Henry. Puis celle-ci la transmettra à sa fille Léa qui la vendra en 1959. Dominique Denis, fils de Maurice Denis, pourra alors l’acquérir. Cette étude est le parfait exemple de la rupture totale avec la peinture traditionnelle du XIXe siècle qui a eu lieu à Pont-Aven durant l’été 1888. Elle annonce l’expressionnisme du XXe siècle, où la subjectivité et la spontanéité du peintre ont pris le dessus sur le savoir-faire. André Cariou

Estimation : 60 000 € / 80 000 €