TABLEAUX MODERNES - ECOLES BRETONNES
samedi 8 décembre 2018 à 14:30

Lot 70 Jan VERKADE (1868-1946)

Jan VERKADE (1868-1946) "Les toits rouges près de la mare" pastel sur papier sbg daté (18)91 45x56 Historique : Collection Angelo Sommaruga par succession en 1941 collection de sa fille Maria Caputo Sommaruga, puis de ses héritiers. Vente Brest, étude Thierry-Lannon, 26 mars 2005, n° 4.

Après avoir interrompu ses études à l’Académie des beaux-arts d’Amsterdam, Jan Verkade, alors âgé de 21 ans, s’installe à Hattem, un village près de Zwolle. Durant deux années il progresse d’abord avec l’aide de son beau-frère, le paysagiste Jan Voerman, puis seul. Il trouve sur place les sujets et paysages qui conviennent à sa peinture d’abord réaliste puis naturaliste. Il mentionne dans sa biographie, Le Tourment de Dieu, un paysage qui pourrait correspondre : « Sur la lisière de la forêt se trouve une belle propriété avec un grand étang et un beau parc bien entretenu » et poursuit : « Le paysagiste n’a donc que l’embarras du choix. ».Au début de 1890, il se rend avec son père à Bruxelles pour voir dans l’ancien musée de peinture l’exposition du Cercle des XX. L’avocat Octave Maus, par ailleurs, collectionneur, écrivain et critique d’art, a fondé en 1883 ce groupe d’avant-garde qui organise chaque année à partir de 1884 un salon qui sera alors en Europe le plus ouvert aux diverses tendances du postimpressionnisme. Par intérêt personnel, et grâce aux conseils de son ami Théo van Rysselberghe, Maus ouvre en particulier les portes du salon aux néo-impressionnistes : outre Van Ryssselberghe, on peut y voir des œuvres pointillistes de Willy Finch, Jan Toorop ou Georges Lemmen. Au salon de 1890 Verkade pourra par ailleurs découvrir des œuvres d’artistes invités comme Paul Cézanne ou Vincent van Gogh. L’évolution de Verkade est alors rapide comme en témoigne ce pastel, unique dans ce genre, où il accumule plusieurs recherches : plans simplifiés, couleurs vives, rectangles colorés superposés, disposés horizontalement pour les effets d’eau et verticalement pour le ciel, etc.Le jeune peintre, alors 23 ans, a du mal à trouver sa voie. Il s’en souvient en écrivant dans sa biographie : « Il faut voir ce que j’ai barbouillé : je crois que je vais encore me mettre à pointiller ou à une technique analogue, car cela commence à m’ennuyer de peindre comme tout le monde. J’irai cet hiver à Paris pour étudier les nouveaux genres de peinture ». « Me mettre à pointiller » est sans doute une référence à ses recherches issues de la découverte du néo-impressionnisme. On connaît la suite qui appartient aujourd’hui à l’histoire de l’école de Pont-Aven et des Nabis : repassé par Bruxelles pour visiter la nouvelle exposition des XX et découvrir des œuvres de Paul Gauguin, Verkade arrive à Paris en février 1891 « pour un séjour d’étude de deux mois ». Peu après il rencontre son compatriote Meijer de Haan qui le présente à Paul Gauguin et à Paul Sérusier, qui le présente à son tour à ses amis Nabis. Les premières peintures faites à Paris montrent une maitrise étonnante des principes du synthétisme, résultat du travail de recherches mené ces derniers mois à Hattem. Peu après le départ de Gauguin pour Tahiti, Verkade partira pour Pont-Aven avec Mogens Ballin, puis séjournera au Huelgoat avec Paul Sérusier et enfin se rendra au Pouldu où il rencontrera Charles Filiger.Le pastel est acquis probablement en 1892 (avec une autre œuvre montrant une ferme au Pouldu) par un collectionneur peu commun, Angelo Sommaruga. Jusqu’en 1885, il fut l’éditeur italien le plus célèbre. Passionné d’art, il s’installe à Paris où il développe sa propre collection. Il s’intéresse en particulier aux divisionnistes américains ce qui peut expliquer son intérêt pour ce pastel. Parmi les relations du collectionneur figure Claude-Emile Schuffenecker qui fera son portrait (1890, collection Sommaruga, Turin) et qui aurait pu servir d’intermédiaire avec Verkade. Cette œuvre de Verkade est particulièrement intéressante pour comprendre son évolution fulgurante entre 1890 et 1892, montrant comment un jeune peintre pouvait s’approprier les divers courants de son temps, au travers de Gauguin, Cézanne, Seurat ou Van Gogh, et tenter de trouver sa voie.André Cariou

Estimation : 30 000 € / 40 000 €