TABLEAUX MODERNES, ECOLES BRETONNES, Seconde Vacation
samedi 8 mai 2021 à 14:00

Lot 267

Claude Emile SCHUFFENECKER (1851-1934) "Falaise et bateau Yport 1886" hst sbg datée 1886. Provenance : collection privée, France. Exposition : 1896, Paris "Schuffenecker" Edmond Bailly Librairie de l'Art Indépendant. 50.5x60.5

Au verso : étude de femme nue dans le style des années 1882-1884.Exposition : en raison de ses dimensions, elle peut correspondre à Les Roches à Yport de l’exposition personnelle du peintre en février 1896 à la Librairie de l’Art Indépendant à Paris. Catalogue raisonné : Jill Elyse Grossvogel, la spécialiste du peintre, auteur du catalogue raisonné, a établi un certificat d’authenticité de l’œuvre.


L’histoire de l’art a souvent été injuste avec Claude-Émile Schuffenecker (1851-1934) en le réduisant au rôle du naïf dont Paul Gauguin abusait à l’occasion. Depuis les années de l’agence Bertin,  - les deux futurs peintres s’y rencontrent en 1872 -, ils seront proches. Schuff, comme on l’appelle, hébergera souvent son camarade en difficulté ou lui achètera des œuvres pour l’aider.  Il a abandonné vers 1884 son style très valorisé marqué par Carolus–Duran. Ayant été refusé au Salon de 1883, il participe l’année suivante en 1884 à la fondation du Salon des Indépendants et découvre les œuvres néo-impressionnistes de Georges Seurat,  Paul Signac, Henri-Edmond Cross ou Charles Angrand. Schuffenecker brûle les étapes, s’engageant d’une manière empirique dans cette nouvelle approche qui se veut une alternative plus décorative et réfléchie à un impressionnisme trop spontané. Il réussit tant bien que mal à se faire admettre dans la 8e exposition des impressionnistes du 15 mai au 15 juin 1886 à la Maison Dorée. Le critique Félix Fénéon (Les Impressionnistes en 1886) qualifiera ses premiers essais de « consciencieux mais encore inexpert ».  La peinture de la falaise d’Yport date sans doute du début de l’été (il viendra retrouver Gauguin en Bretagne en août). Schuffenecker, père de deux jeunes enfants, a installé sa famille pour les vacances dans cette station balnéaire située sur la Côte d’Albâtre entre Étretat et Fécamp (il y passera les vacances d’été de 1886 à 1896). La petite plage est enserrée entre de hautes falaises. Il peint la falaise côté est à marée haute par temps calme. La composition est particulièrement audacieuse car cette falaise occupe tout un tiers de la surface sans qu’on en aperçoive le sommet et bloque ainsi le regard dans le coin supérieur. Par ce déséquilibre particulièrement hardi qui emprunte sans doute à l’art des estampes japonaises, Schuffenecker utilise cette masse frontale de craie blanche, à peine animée par quelques touches, et l’oblique de l’estran en bas pour renvoyer habilement le regard vers l’infini du paysage. Dans cette partie droite de la toile, le peintre joue des vibrations colorées qu’offrent le ciel et la mer et où apparaissent les voiles de deux bateaux. On est très loin des petits points rigoureusement  alignés par Seurat et ses camarades. Cette toile témoigne d’un certain empirisme et d’une grande liberté de composition. Elle fait penser à certaines vues de falaises d’Étretat par Claude Monet en 1885 et 1886.  Cette œuvre semble être la première réalisée sur la côte normande. Elle sera suivie d’autres les années suivantes à Yport ou Étretat avec des points de vue différents, à marée basse avec les rochers au pied des falaises ou bien le paysage de la côte depuis le bord des falaises. Aussi la découverte de cette œuvre, inconnue de Jill Elyse Grossvogel, dans ses catalogues raisonnés de 2000 et 2008, est importante dans la connaissance du peintre et de cette période charnière du néo-impressionnisme. André Cariou

Estimation : 20 000 € / 30 000 €