TABLEAUX MODERNES, ECOLES BRETONNES
samedi 6 mai 2017 à 14:30

Lot 256 Paul SERUSIER (1864-1927)

Paul SERUSIER (1864-1927) "Autoportrait" ou "Portrait de Sérusier par lui-même" hst 73x92. Référence : Marcel Guicheteau "Paul Sérusier" catalogue raisonné volume 1 n°249 reproduit p.251. Maurice Denis "Paul Sérusier, ABC de la peinture, sa vie son oeuvre" reproduit en couleurs p.72/73. Expositions : Pont-Aven "Sérusier et la Bretagne" 1991 n°52. Musée des Jacobins Morlaix "Paul Sérusier" 1987. Londres "The Art of Great Britain" n°209 "Gauguin et le groupe de Pont-Aven". Stadtische Kunsthalle Mannheim. Mairie de Pont-Aven "Gauguin et ses amis" 1961 n°200 du catalogue

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Expositions :

1909, Paris, galerie Druet, Paul Sérusier, 1891-1909, n° 60 (collection Maurice Denis)

1937, Paris, Petit Palais, Les Maîtres de l’art indépendant, n° 8

1955, Paris, musée national d’art moderne, Bonnard, Vuillard et les Nabis, n° 15

1963, Mannheim, Kunsthalle, Les Nabis et leurs amis, n° 256

1966, Londres, Tate, Gauguin and the Pont-Aven School, n° 209

1978, Paris, musée Bourdelle, Les Barbus

1987, Morlaix, musée des Jacobins, Sérusier, n° 21

1991, Pont-Aven, musée, Paul Sérusier et la Bretagne, n° 52

Bibliographie :

Paul Sérusier, ABC de la peinture, suivi d’une étude sur la vie et l’œuvre de Paul Sérusier par Maurice Denis, Paris, Floury, 1942, reproduction en face de la page 72

Marcel Guicheteau, Paul Sérusier catalogue raisonné, tome I, Paris, Side, 1976, n° 249

Caroline Boyle-Turner, Sérusier, 1988, p. 136

Provenance :

Collection Maurice Denis jusqu’à sa disparition en 1943

Collection de sa fille Bernadette jusqu’à sa disparition en 1987

Collection d’un petit-enfant de Maurice Denis

 

« Je me sens de plus en plus attiré par la Bretagne, ma vraie patrie, puisque j’y suis né de l’esprit ». Cette phrase de Paul Sérusier, extraite d’une lettre à son ami Jan Verkade à propos de son enracinement en Bretagne, correspond bien à cette peinture, qui témoigne, plus que tout autre, de l’époque de Châteauneuf-du-Faou du peintre.

Après Pont-Aven, Le Pouldu et Le Huelgoat, et bien qu’issu d’une famille bourgeoise parisienne, Sérusier s’est fixé dans ce bourg, au point d’y faire bâtir une maison où il demeure presque toute l’année. De ses fenêtres, il peut admirer le paysage qui se déploie depuis la vallée de Pontadig jusqu’aux Montagnes noires, lui permettant d’appliquer dans ses peintures les « saintes mesures » qui sont l’objet de ses recherches.

L’élaboration de l’œuvre permet d’en comprendre la finalité. Cet autoportrait n’a pas été peint en s’aidant d’un miroir comme c’est souvent le cas (le paysage en arrière plan qui est reconnaissable n’est pas inversé). Le peintre a dessiné au crayon son portrait (vente de la collection Boutaric, 1984, n° 250, collection particulière). Puis d’après cette étude, il se représente, grandeur nature, comme s’il était devant le panorama qu’on voit depuis les fenêtres de son atelier au premier étage de la maison. Ce paysage se retrouve dans diverses toiles comme le Paysage vert (Mairie de Châteauneuf-du-Faou, 1906) ou La Pluie, le ruisseau dans la vallée sous l’orage (collection particulière).

Le peintre est habillé de sa vaste houppelande rouge foncé. Il y a une correspondance entre les teintes en camaïeu du vêtement, du visage, de la barbe et des cheveux, - le peintre était roux - , et celles de la végétation automnale, pour témoigner d’une fusion entre l’homme et la terre qu’il s’ait choisie. Et ce vêtement symbolise pour lui son enracinement dans ce pays. Mais la symbolique va peut être au-delà. Gauguin porte ce même manteau dans Bonjour monsieur Gauguin. (Prague, Narodni galerie et Los Angeles, Armand Hammer Collection). Sérusier, à son tour, s’est représenté avec ce vêtement dans la peinture L’Adieu à Gauguin (Quimper, musée des beaux-arts).On ne sait s’il s’agit du même vêtement que Gauguin a laissé en Bretagne et que Sérusier pourrait avoir récupéré. En tout cas, il y a dans ces deux peintures de Sérusier un choix symbolique illustrant la transmission de l’esthétique pontavénienne et la volonté du peintre de Sérusier de ne pas accompagner son aîné en Océanie et de demeurer en Bretagne.

Le don de cette toile à son ami Maurice Denis, probablement en remerciement de sa contribution à la préparation de l’exposition chez Druet, a aussi valeur de symbole : Sérusier peut être ainsi présent dans le quotidien de son ami qu’il ne retrouve qu’à de rares moments dans l’année. Cette toile devient ainsi la plus belle illustration de l’amitié entre les deux peintres.

Elle est habituellement datée « 1910 » ou « vers 1910 », ce qui est inexact car l’œuvre est présentée dans l’exposition chez Druet en janvier 1909. Une lettre de Maurice Denis à son épouse Marthe le 28 juin 1908 évoque le portrait de Sérusier qui est déjà chez eux. Cela pourrait ramener l’exécution de l’autoportrait à l’automne 1907, saison en adéquation avec la végétation et le vêtement porté, et donc à une date pas très éloignée de celle de L’Adieu à Gauguin (1906).

À la mort de Maurice Denis en 1943, cette toile est demeurée dans sa famille. Par chance, elle n’a pas été vernie, et a conservé son aspect mat, correspondant aux intentions de son auteur.

André Cariou

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Estimation : 50 000 € / 60 000 €